Solitude ordinaire
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Amanda.
Charlotte
Admin
catsoniou
Myriel
9 participants
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Solitude ordinaire
6 h le jour se lève a peine, blanchissant l’horizon. Comme toujours il te surprend debout dans ta cuisine, ton bol de café à la main. Tu n’as jamais sur t’asseoir pour le petit déjeuner, pas le temps entre le mari et les enfants, et tu as gardé cette manie malgré le veuvage et le départ de tes petits pour la grande ville.
C’est ta seule certitude : te raccrocher à tes habitudes pour ne pas perdre pied, pour ne pas penser à la solitude et surtout rester ancrée dans la réalité. La matinée passe comme toujours, la toilette rapide, la vaisselle en guettant le facteur derrière les rideaux, espérant une lettre qui ne vient pas souvent, le ménage, le repas, seule dans cette cuisine devenue trop grande.
C’est tout ton univers qui est devenu trop grand, pendant que ta vie, elle, rétrécissait. L’espace occupé jadis par les absents, tu le remplis à ta façon en marchant à pas menus, en faisant des gestes lents pour donner le temps à ta vieille horloge d’égrener ses heures comme tu égrènes ton chapelet à la messe.
L’après midi est long et vide comme souvent. Tu tricotes, un peu, pour d’hypothétiques petits enfants. Tu lis, très peu, tes pauvres yeux se fatiguent si vite et tes lunettes sont encore parties jouer à cache-cache. Tu jardines, beaucoup, enfin tu passes du temps dans ton jardin, à parler aux fleurs, à encourager les pommes de terre et les poireaux.
Le soir venu, tu allumes la radio plus pour avoir une présence que pour les émissions de variétés, quoique tu aimes écouter le jeune Michel Sardou. Tu dînes d’une soupe de la veille réchauffée, tu en as trop fait comme toujours. En repassant dans la salle à manger, tu regardes d’un œil noir le téléphone que ton fils a fait installer à son dernier passage. C’est pour toi un prétexte de plus pour venir moins souvent. Tu soupires, comme si un « coup de fil » comme ils disent, pouvait un jour remplacer une vraie visite. Des nouvelles à la va vite, d’une voix hachée par la distance ne se substitueront jamais à une présence, à des bras qui te serrent et te relâchent très vite, par pudeur, à des yeux qui te dévorent et en disent plus, beaucoup plus que les paroles banales.
Puis tu te couches, seule dans ton grand lit, pensant à la journée, à ces petits riens qui l’ont embellis, le chat de la voisine venu ronronner à tes pieds, les nouvelles roses, et surtout, penses tu dans un sourire, demain c’est dimanche et ils ont promis de venir.
C’est ta seule certitude : te raccrocher à tes habitudes pour ne pas perdre pied, pour ne pas penser à la solitude et surtout rester ancrée dans la réalité. La matinée passe comme toujours, la toilette rapide, la vaisselle en guettant le facteur derrière les rideaux, espérant une lettre qui ne vient pas souvent, le ménage, le repas, seule dans cette cuisine devenue trop grande.
C’est tout ton univers qui est devenu trop grand, pendant que ta vie, elle, rétrécissait. L’espace occupé jadis par les absents, tu le remplis à ta façon en marchant à pas menus, en faisant des gestes lents pour donner le temps à ta vieille horloge d’égrener ses heures comme tu égrènes ton chapelet à la messe.
L’après midi est long et vide comme souvent. Tu tricotes, un peu, pour d’hypothétiques petits enfants. Tu lis, très peu, tes pauvres yeux se fatiguent si vite et tes lunettes sont encore parties jouer à cache-cache. Tu jardines, beaucoup, enfin tu passes du temps dans ton jardin, à parler aux fleurs, à encourager les pommes de terre et les poireaux.
Le soir venu, tu allumes la radio plus pour avoir une présence que pour les émissions de variétés, quoique tu aimes écouter le jeune Michel Sardou. Tu dînes d’une soupe de la veille réchauffée, tu en as trop fait comme toujours. En repassant dans la salle à manger, tu regardes d’un œil noir le téléphone que ton fils a fait installer à son dernier passage. C’est pour toi un prétexte de plus pour venir moins souvent. Tu soupires, comme si un « coup de fil » comme ils disent, pouvait un jour remplacer une vraie visite. Des nouvelles à la va vite, d’une voix hachée par la distance ne se substitueront jamais à une présence, à des bras qui te serrent et te relâchent très vite, par pudeur, à des yeux qui te dévorent et en disent plus, beaucoup plus que les paroles banales.
Puis tu te couches, seule dans ton grand lit, pensant à la journée, à ces petits riens qui l’ont embellis, le chat de la voisine venu ronronner à tes pieds, les nouvelles roses, et surtout, penses tu dans un sourire, demain c’est dimanche et ils ont promis de venir.
Myriel- Kaléïd'habitué
- Humeur : Girouette
Re: Solitude ordinaire
Belle description d'une journée de femme qui meuble comme elle peut les longues journées entre radio, téléphone et jardin et il y a la le démenti de celles et ceux qui prétendent que les retraités sont très occupés.
A bien y réfléchir, les journées emplies d'une suractivité masquent parfois un certain vide ...
A bien y réfléchir, les journées emplies d'une suractivité masquent parfois un certain vide ...
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: Solitude ordinaire
Myriel, je découvre ton écriture et j'en profite pour te souhaiter la bienvenue.
Tu écris simplement mais quelle puissance et quelle profondeur dans tes mots !
J'ai pensé tout du long à ma maman qui s'est retrouvée seule après le décès de mon père. Ses journées ressemblaient exactement à celle que tu décris si bien. Et c'est le cœur lourd que je la quittais en voyant, chaque fois, son regard résigné et malheureux. Bravo et aussi merci !
Tu écris simplement mais quelle puissance et quelle profondeur dans tes mots !
J'ai pensé tout du long à ma maman qui s'est retrouvée seule après le décès de mon père. Ses journées ressemblaient exactement à celle que tu décris si bien. Et c'est le cœur lourd que je la quittais en voyant, chaque fois, son regard résigné et malheureux. Bravo et aussi merci !
Invité- Invité
Re: Solitude ordinaire
Comme le dit Yvanne, tu écris simplement mais avec beaucoup de force.
C'est un texte intemporel, qui pourrait parler d'un autre époque, comme d'aujourd'hui, et c'est sans doute pour cela qu'on se l'approprie si vite.
C'est un texte intemporel, qui pourrait parler d'un autre époque, comme d'aujourd'hui, et c'est sans doute pour cela qu'on se l'approprie si vite.
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: Solitude ordinaire
J'ai pensé à ma mère en lisant ce très beau texte plein de finesse et de douceur. Ma mère veuve depuis plus de 30 ans... qui malgré ses nombreux enfants, est seule dans sa tête. Je le vois quand je vais la voir .
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Solitude ordinaire
Merci de vos commentaires.
@ Catsoniou :ma mere est plutot du genre hyper active depuis sa retraite (un agenda de ministre, mais tout de meme toujours présente en cas de besoin) mais je ne crois pas que ce soit pour cacher un vide, ou alors un besoin de bouger du a une vie habituée au travail.
@ Catsoniou :ma mere est plutot du genre hyper active depuis sa retraite (un agenda de ministre, mais tout de meme toujours présente en cas de besoin) mais je ne crois pas que ce soit pour cacher un vide, ou alors un besoin de bouger du a une vie habituée au travail.
Myriel- Kaléïd'habitué
- Humeur : Girouette
Re: Solitude ordinaire
Pour moi, Myriel c'est un texte poignant et désespérant.
J'ai perdu ma maman en sept dernier, elle ne se trouvait pas dans le décor que tu décris, mais à un moment de sa vie, ce fut ainsi, à guetter la venue de ses petits-enfants qui ne venaient pas assez souvent et la mienne aussi, moi qui passait en courant à ce moment-là...
Tu écris super bien, je ne commenterai pas davantage !
J'ai perdu ma maman en sept dernier, elle ne se trouvait pas dans le décor que tu décris, mais à un moment de sa vie, ce fut ainsi, à guetter la venue de ses petits-enfants qui ne venaient pas assez souvent et la mienne aussi, moi qui passait en courant à ce moment-là...
Tu écris super bien, je ne commenterai pas davantage !
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Solitude ordinaire
du meme avis qu'amanda, un texte fort et poignant. la solitude est parfaitement décrite, ainsi que tous les artifices qu'on tente de mettre en place pour la supporter, en vain...
la simplicité du style accentue la force des mots. beaucoup d'émotion à te lire, merci Myriel
la simplicité du style accentue la force des mots. beaucoup d'émotion à te lire, merci Myriel
Pati- Kaléïd'habitué
- Humeur : mouvante
Re: Solitude ordinaire
Un très beau texte Myriel! Il prend aux tripes...
Sherkane- Kaléïd'habitué
- Humeur : ....
Re: Solitude ordinaire
Ce texte est poignant, Myriel. Comme Amanda, ce qui m’a frappé, c’est le désespoir effrayant qu’il traduit : une vie absurde à force de n’avoir aucune raison de vivre et les seules qui restent gâchées par trop de solitude et d’indifférence des autres, et n’avoir plus à parler qu’aux fleurs et aux légumes. Seul le dernier paragraphe permet de ne pas totalement désespérer, avec ces petits riens de beauté et d’affection auxquels se raccroche cette femme. Tu as très bien décrit tout cela, sans aucun pathos, ce qui donne d’autant plus de force à ton texte.
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: Solitude ordinaire
Je confirme, un texte très poignant, très beau aussi.
Tu décris une situation tout à fait authentique dans bien des cas, cetta maison devenue vide.
Ma mère était plutôt du style.
Ma parents étaient par contre du style de la maman Myriel, une fois à la retraite, je devais prendre rendez-vous pour les voir Mais mieux comme ça que le contraire.
Je vous en dirais plus me concernant dans une année est demi
Tu décris une situation tout à fait authentique dans bien des cas, cetta maison devenue vide.
J'y ai pensé à de telles situations chez certaines personnes, mais jamais dans ce cas de figure.catsoniou a écrit:A bien y réfléchir, les journées emplies d'une suractivité masquent parfois un certain vide ...
Ma mère était plutôt du style.
Ma parents étaient par contre du style de la maman Myriel, une fois à la retraite, je devais prendre rendez-vous pour les voir Mais mieux comme ça que le contraire.
Je vous en dirais plus me concernant dans une année est demi
trainmusical- Occupe le terrain
- Humeur : à vous de juger :-)
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