Belle italienne

Il se l’est offerte avec sa première paye
Un rêve plus impérieux qu’une voiture, plus urgent qu’un frigo
Il l’a sortie de son écrin, l’a posée sur la table où elle trône comme un joyau. Élégante dans sa robe vert pâle, souriant de ses dents vernies. Juste un soupçon de rouge comme maquillage. Une touche.

Un ruban dans les cheveux, un ruban rouge et noir, prêt à se déployer en drapeau. Le rouge et le noir, quel plus beau présage pour l'écriture ?

Elle dispose devant lui tout l’alphabet,  comme l’abécédaire d’un enfant de CP.
Mais il ne passera pas par le B-A BA de la dactylo qui prépare son CAP.
Trop pressé
Tout de suite les mots, tout de suite les phrases

Quand même  il faut qu’il l’apprivoise

Le bout des doigts effleure la peau des touches, mains qui se découvrent, se frôlent, s’explorent et se caressent.

Quelques accords timides d’abord et bientôt ça crépite comme un feu familier.

Ça marche, ça trotte, ça court, petite musique
Rythme lent ou frénétique ponctué par la sonnerie
Comme un cocorico : « bravo, tu as encore écrit une ligne ! »

A côté, Crayon et Stylo boudent, tout raides, figés dans leur mépris :
« – Où sont passés son écriture, ses gribouillis fantasques
Qui n’appartenaient qu’à lui – et à nous ?

– Des caractères sans caractère
Calibrés au micron près

– Peut-être que notre amoureux des mots
A viré à l’escroc
Cette machine c’est bon
Pour les lettres anonymes.

– Devrait se méfier quand même, c’est des sournoises
Ces petites frappes en ont trahi plus d’un.

– Quand je pense que c’est moi qui ai tenu ses comptes pour dégager la somme !
– Et moi qui ai dû faire le chèque !
On  est vraiment trop bons ! »

Lui, a fini sa page. Il admire les paragraphes nets et propres
Une répétition pour l’édition.

Il regarde les deux grincheux :

« Allons Stylo, allons Crayon
Pas de quoi vous monter le bourrichon
Vous avez votre place
Auprès d’Olivetti
Toi Crayon tu accompagneras
Mes ballades et mes errances
Tu seras mon Kodak d’écriture
Le clic-clac sans appareil
Pour les instantanés tu n’as pas ton pareil

Et toi Stylo, tu resteras le confident de mes mots doux
Le complice des élans amoureux
Celui qui scelle l’enveloppe
De trois cœurs en bleu tendre

Que ce texte est savoureux Tober et l'idée originale ! Qu'ils soient écrits au stylo ou au crayon ou bien encore tapés à la machine, tu restes le vrai magicien des mots.

Bien vu Tober, un joli clin d’œil à l’ancêtre du clavier   

  J'aime beaucoup! Comme dit Yvanne un texte vraiment savoureux

  j'adore (Crayon gris aussi   ) Je me suis régalée a te lire.

Ce texte comme tous ceux que tu écrits est excellent.Bravo

Merci pour vos commentaires ! Et aussi pour votre indulgence de ne pas avoir souligné le côté quelque peu en limite du sujet de ce texte.

Avant tout, très belle ode à l'écriture...

La machine à écrire, son ruban noir et rouge, le rouleau et le charriot, nous avons oublié tout cela.

Pour ma part,sans trop de regrets : l'ordinateur, c'est quand même plus facile !

Mais à la plume, au crayon, ou au stylo, tobermory est vraiment un maitre  de l'harmonie des mots qui s'inscrivent dans de bien beaux textes .