A - Jean-Baptiste
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Zéphyrine
Cassy
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A - Jean-Baptiste
Article 14
Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays.
Il s’appelait Jean-Baptiste Caspar. Il est né le 23 juin 1844 à Hartmannswiller. Il était journalier. Son pays c’était l’Alsace, berceau de sa famille. Sans doute n’aurait-il jamais quitté cet endroit si les circonstances avaient été autres.
Il venait d’une famille de tisserands. Chez les Caspar, on était tisserand de père en fils et c’était ainsi depuis des générations. Mais Jean-Baptiste était un rebelle, du moins aujourd’hui, avec le recul, j’aime à imaginer que c’était un rebelle. Lui, il ne rentrait pas dans le moule, il n’est jamais rentré dans aucun moule, c’est sans doute pour ça et grâce à ça qu’aujourd’hui je peux affirmer haut et fort que je suis Aveyronnaise et que dans mes veines l’Alsace n’y est représentée que pour une infime portion, car oui, je suis très fière d’être Aveyronnaise !
Jean-Baptiste lui, il était 100% Alsacien et 0% tisserand. Il a choisi d’être journalier (aujourd’hui on dit ouvrier agricole). Il se louait à la journée dans les fermes alentours. Avant lui il n’y avait pas eu de journalier, après lui il n’y en aura pas. Il était aussi rebelle qu’unique. Il ne rentrait dans aucune case.
Je l’imagine grand et costaud, dur à la tâche et franc du collier. Et puis je l’imagine courageux et fier, fier de sa patrie, fier de ses origines. Je l’imagine aimer son pays comme j’aime l’Aveyron, sentir sa terre vibrer dans ses mains à chaque fois qu’il se baissait pour la cultiver, faire corps avec elle sous la pluie et le vent, et noircir avec elle sous le soleil brûlant.
Jean-Baptiste aimait sa terre et pourtant il l’a quittée. La date exacte de son départ ? Je ne le sais pas avec certitude, sans doute après la naissance de son fils Xavier, venu au monde en 1871.
Le jour du grand départ, il a mis quelques affaires dans une cariole, il a fermé la porte de sa maison, il a déposé son fils de deux ans, Joseph sur le siège et mis dans les bras de Louise, sa femme, le dernier né Xavier, encore nourrisson. Il a regardé une dernière fois sa maison, la cour et les champs tout autour. Sans doute a-t-il versé une larme qu’il a très vite essuyé d’un revers de manche et il a fait claquer le fouet. Le cheval s’est mis en route et Jean-Baptiste ne s’est plus jamais retourné.
Jean-Baptiste était trop fier pour rester et subir. On ne l’avait jamais enfermé dans un moule, on ne le mettrait jamais dans une case, qui plus est allemande.
Courageux et fier, il a quitté cette terre devenue étrangère, il a traversé le pays jusqu’à trouver asile sur une nouvelle terre, bien plus rude et sèche que l’Alsace mais d’une beauté sauvage et envoûtante. Une terre qui lui a tendu ses bras, sans poser de question, prête à partager le peu de richesses que son sol voulait bien offrir, au gré des saisons.
Après des semaines d’errance, Jean-Baptiste et Louise, Joseph et Xavier posaient le pied en Aveyron. Un nouveau départ, une nouvelle vie à construire, des racines à faire pousser.
Toute sa vie, Jean-Baptiste est resté fier et courageux. Il a travaillé si dur, il y a tellement cru qu’il a fait de cet asile ma terre natale.
Ce n’est qu’une infime partie de l’Alsace qui coule dans mes veines, le reste, tout le reste est Aveyronnais. Jean-Baptiste m’a offert la terre qui me ressemble, il m’a donné des racines solides et profondes, de celles qui s’accrochent au cœur jusqu’à la nuit des temps.
PS : J’aurais aimé parler des migrants, je n’ai pas su le faire, c’est une question qui me bouscule tant que je n’arrive pas à trouver les mots qui permettraient d’expliquer mon ressenti. Alors j’ai pris le sujet sous un autre angle. Jean-Baptiste, mon arrière-arrière-grand-père, était lui aussi un migrant et à travers lui je veux rendre hommage à ces hommes et ces femmes qui risquent leur vie pour être libres.
La paix n’a de signification que là où les droits de l’homme sont respectés, là où les gens sont nourris, et là où les individus et les nations sont libres. »
Dalaï Lama
Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays.
Il s’appelait Jean-Baptiste Caspar. Il est né le 23 juin 1844 à Hartmannswiller. Il était journalier. Son pays c’était l’Alsace, berceau de sa famille. Sans doute n’aurait-il jamais quitté cet endroit si les circonstances avaient été autres.
Il venait d’une famille de tisserands. Chez les Caspar, on était tisserand de père en fils et c’était ainsi depuis des générations. Mais Jean-Baptiste était un rebelle, du moins aujourd’hui, avec le recul, j’aime à imaginer que c’était un rebelle. Lui, il ne rentrait pas dans le moule, il n’est jamais rentré dans aucun moule, c’est sans doute pour ça et grâce à ça qu’aujourd’hui je peux affirmer haut et fort que je suis Aveyronnaise et que dans mes veines l’Alsace n’y est représentée que pour une infime portion, car oui, je suis très fière d’être Aveyronnaise !
Jean-Baptiste lui, il était 100% Alsacien et 0% tisserand. Il a choisi d’être journalier (aujourd’hui on dit ouvrier agricole). Il se louait à la journée dans les fermes alentours. Avant lui il n’y avait pas eu de journalier, après lui il n’y en aura pas. Il était aussi rebelle qu’unique. Il ne rentrait dans aucune case.
Je l’imagine grand et costaud, dur à la tâche et franc du collier. Et puis je l’imagine courageux et fier, fier de sa patrie, fier de ses origines. Je l’imagine aimer son pays comme j’aime l’Aveyron, sentir sa terre vibrer dans ses mains à chaque fois qu’il se baissait pour la cultiver, faire corps avec elle sous la pluie et le vent, et noircir avec elle sous le soleil brûlant.
Jean-Baptiste aimait sa terre et pourtant il l’a quittée. La date exacte de son départ ? Je ne le sais pas avec certitude, sans doute après la naissance de son fils Xavier, venu au monde en 1871.
Le jour du grand départ, il a mis quelques affaires dans une cariole, il a fermé la porte de sa maison, il a déposé son fils de deux ans, Joseph sur le siège et mis dans les bras de Louise, sa femme, le dernier né Xavier, encore nourrisson. Il a regardé une dernière fois sa maison, la cour et les champs tout autour. Sans doute a-t-il versé une larme qu’il a très vite essuyé d’un revers de manche et il a fait claquer le fouet. Le cheval s’est mis en route et Jean-Baptiste ne s’est plus jamais retourné.
Jean-Baptiste était trop fier pour rester et subir. On ne l’avait jamais enfermé dans un moule, on ne le mettrait jamais dans une case, qui plus est allemande.
Courageux et fier, il a quitté cette terre devenue étrangère, il a traversé le pays jusqu’à trouver asile sur une nouvelle terre, bien plus rude et sèche que l’Alsace mais d’une beauté sauvage et envoûtante. Une terre qui lui a tendu ses bras, sans poser de question, prête à partager le peu de richesses que son sol voulait bien offrir, au gré des saisons.
Après des semaines d’errance, Jean-Baptiste et Louise, Joseph et Xavier posaient le pied en Aveyron. Un nouveau départ, une nouvelle vie à construire, des racines à faire pousser.
Toute sa vie, Jean-Baptiste est resté fier et courageux. Il a travaillé si dur, il y a tellement cru qu’il a fait de cet asile ma terre natale.
Ce n’est qu’une infime partie de l’Alsace qui coule dans mes veines, le reste, tout le reste est Aveyronnais. Jean-Baptiste m’a offert la terre qui me ressemble, il m’a donné des racines solides et profondes, de celles qui s’accrochent au cœur jusqu’à la nuit des temps.
PS : J’aurais aimé parler des migrants, je n’ai pas su le faire, c’est une question qui me bouscule tant que je n’arrive pas à trouver les mots qui permettraient d’expliquer mon ressenti. Alors j’ai pris le sujet sous un autre angle. Jean-Baptiste, mon arrière-arrière-grand-père, était lui aussi un migrant et à travers lui je veux rendre hommage à ces hommes et ces femmes qui risquent leur vie pour être libres.
La paix n’a de signification que là où les droits de l’homme sont respectés, là où les gens sont nourris, et là où les individus et les nations sont libres. »
Dalaï Lama
Cassy- Admin
- Humeur : Déterminée
Re: A - Jean-Baptiste
Risquer sa vie pour être libre, ça a toujours existé.
Tu nous donnes là un bel exemple de migration...
Ton texte me touche d'autant plus que dans ma famille, certains ont suivi un chemin semblable à celui que tu décris ici avec beaucoup de simplicité et surtout de tendresse.
Tu nous donnes là un bel exemple de migration...
Ton texte me touche d'autant plus que dans ma famille, certains ont suivi un chemin semblable à celui que tu décris ici avec beaucoup de simplicité et surtout de tendresse.
Zéphyrine- Modératrice écriture libre
- Humeur : Méditerranéenne
Re: A - Jean-Baptiste
" Il ne rentrait dans aucun moule, dans aucune case"
" Il était aussi rebelle qu'unique"
Rien que dans ces deux phrases je te retrouve sa digne descendante et la tienne, pour ce que j'en sais aussi ne fait pas exception.
J'ai bien envie que tu nous en racontes plus sur Jean-Baptiste. Un autre livre, peut-être ?
" Il était aussi rebelle qu'unique"
Rien que dans ces deux phrases je te retrouve sa digne descendante et la tienne, pour ce que j'en sais aussi ne fait pas exception.
J'ai bien envie que tu nous en racontes plus sur Jean-Baptiste. Un autre livre, peut-être ?
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: A - Jean-Baptiste
Ton texte nous décrit tout à fait ce que peuvent ressentir les migrants, quelle que soit leur origine. Je le trouve très beau.
Un très bel hommage que tu rends à ton arrière-arrière grand-père, ainsi qu'à tous ces hommes et femmes qui doivent quitter leur pays et qui sont souvent si mal accueillis et compris...
Un très bel hommage que tu rends à ton arrière-arrière grand-père, ainsi qu'à tous ces hommes et femmes qui doivent quitter leur pays et qui sont souvent si mal accueillis et compris...
FrançoiseB- Kaléïd'habitué
- Humeur : Sereine
Re: A - Jean-Baptiste
J'ai beaucoup aimé la manière dont tu as abordé le problème des migrants, grâce à ton texte il est bien proche de nous!
Je relève aussi ce passage " Je l’imagine aimer son pays comme j’aime l’Aveyron, sentir sa terre vibrer dans ses mains à chaque fois qu’il se baissait pour la cultiver, faire corps avec elle sous la pluie et le vent, et noircir avec elle sous le soleil brûlant.", particulièrement bien écrit.
Je relève aussi ce passage " Je l’imagine aimer son pays comme j’aime l’Aveyron, sentir sa terre vibrer dans ses mains à chaque fois qu’il se baissait pour la cultiver, faire corps avec elle sous la pluie et le vent, et noircir avec elle sous le soleil brûlant.", particulièrement bien écrit.
virgul- Kaléïd'habitué
- Humeur : optimiste
Re: A - Jean-Baptiste
C'est tout à fait passionnant ce que tu racontes.
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
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