Le dernier train
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Amanda.
Admin
Myriel
7 participants
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Le dernier train
Tous ceux qui se souviennent de Nola diront qu'elle était une jeune fille merveilleuse.
Elle était arrivée dans notre village durant la guerre, fragile oiseau qui avait quitté son nid douillet parisien, poussée par l’avancée des chars allemands.
La TSF le disait : sur toutes les routes du pays, il y avait des files et des files de gens, fuyant les combats du Nord de la France. En voiture, en charrette, et même à pied, ils quittaient tout, avec dans une valise un peu de vêtements, de maigres possessions, ou pour les plus riches, matelas et meubles, avec caché au fond de leurs poches le peu de fortune qu’ils avaient pu emmener. Tous tentaient de se mettre a l’abris loin des bombes, de fuir le carnage.
Nola et sa famille étaient venues se réfugier chez leurs cousins éloignés. Ils avaient débarqué dans une belle voiture noire par une chaude journée d’été. Le soleil, ce jour-là, faisait briller ses cheveux blonds lorsqu’elle descendit du véhicule, l’air épuisé, mais sur ses lèvres ce merveilleux sourire qui l’a fit aimé de tout le monde.
A peine installée, elle fit le tour du village, pour se présenter, proposer son aide à tout un chacun : du ménage chez les personnes âgées, de la couture, s’occuper des jeunes enfants, sans contre partie, juste pour aider.
Sa bonté, sa générosité, son sourire étaient communicatifs. Elle entraînait avec elle, dans ses tâches domestiques, ses frères, ses sœurs et tous les jeunes gens qu’elle pouvait recruter. On la voyait partout, apportant son aide à l’un, consolant une autre qui avait reçu de mauvaises nouvelles d’un mari parti au front, et même lorsque les vivres vinrent à manquer, on la vit dans les champs, bêchant, plantant, dans les bois ramassant châtaignes et champignons, tachant de trouver pour tous une maigre subsistance. Elle était comme cela Nola, elle estimait qu’il fallait se rendre utile, se serrer les coudes dans ces moments difficiles.
Il lui suffisait d’entrer dans une pièce pour que la lumière resplendisse. Elle était le printemps en hivers, la pluie dans le désert, le soleil après l’orage. Lorsqu’elle était là, on oubliait la guerre, les bombes et la France coupée en deux. On ne pensait plus à la peur, à la faim ni aux cartes de ravitaillement. Les navets et les rutabagas avaient un goût délicieux en sa présence et les informations dans le journal ne paraissaient plus si catastrophiques quand on la voyait tournoyer et rire aux éclats au bal du samedi soir.
Rien ne pouvait entamer sa joie de vivre. Même lorsque par décret elle fut obligée de coudre sur ses vêtements une étoile jaune, elle l’arbora avec fierté, comme une décoration et avec le sourire, comme un pied de nez aux forces d’occupation. Chacun ne l’en admira que davantage. Les gens lui disaient de l’enlever, que nul parmi nous ne la dénoncerait, mais toujours elle refusa, préférant la porter par respect pour son peuple, sa religion, pour tous ces hommes et ces femmes qui étaient tombés durant les combats.
Même en ce jour funeste, où soldats et gendarmes de la ville voisine vinrent les arrêter, elle et sa famille, elle les accueillit avec le sourire. Et toujours aussi dignement, comme si elle partait en voyage, elle grimpa dans le wagon où s’entassaient déjà une cinquantaine de personnes. Le moteur de la locomotive résonna longtemps dans notre village. Notre soleil était parti, voilé par la noire fumée de la cheminée du train. Nul ne la revit plus jamais.
Elle était arrivée dans notre village durant la guerre, fragile oiseau qui avait quitté son nid douillet parisien, poussée par l’avancée des chars allemands.
La TSF le disait : sur toutes les routes du pays, il y avait des files et des files de gens, fuyant les combats du Nord de la France. En voiture, en charrette, et même à pied, ils quittaient tout, avec dans une valise un peu de vêtements, de maigres possessions, ou pour les plus riches, matelas et meubles, avec caché au fond de leurs poches le peu de fortune qu’ils avaient pu emmener. Tous tentaient de se mettre a l’abris loin des bombes, de fuir le carnage.
Nola et sa famille étaient venues se réfugier chez leurs cousins éloignés. Ils avaient débarqué dans une belle voiture noire par une chaude journée d’été. Le soleil, ce jour-là, faisait briller ses cheveux blonds lorsqu’elle descendit du véhicule, l’air épuisé, mais sur ses lèvres ce merveilleux sourire qui l’a fit aimé de tout le monde.
A peine installée, elle fit le tour du village, pour se présenter, proposer son aide à tout un chacun : du ménage chez les personnes âgées, de la couture, s’occuper des jeunes enfants, sans contre partie, juste pour aider.
Sa bonté, sa générosité, son sourire étaient communicatifs. Elle entraînait avec elle, dans ses tâches domestiques, ses frères, ses sœurs et tous les jeunes gens qu’elle pouvait recruter. On la voyait partout, apportant son aide à l’un, consolant une autre qui avait reçu de mauvaises nouvelles d’un mari parti au front, et même lorsque les vivres vinrent à manquer, on la vit dans les champs, bêchant, plantant, dans les bois ramassant châtaignes et champignons, tachant de trouver pour tous une maigre subsistance. Elle était comme cela Nola, elle estimait qu’il fallait se rendre utile, se serrer les coudes dans ces moments difficiles.
Il lui suffisait d’entrer dans une pièce pour que la lumière resplendisse. Elle était le printemps en hivers, la pluie dans le désert, le soleil après l’orage. Lorsqu’elle était là, on oubliait la guerre, les bombes et la France coupée en deux. On ne pensait plus à la peur, à la faim ni aux cartes de ravitaillement. Les navets et les rutabagas avaient un goût délicieux en sa présence et les informations dans le journal ne paraissaient plus si catastrophiques quand on la voyait tournoyer et rire aux éclats au bal du samedi soir.
Rien ne pouvait entamer sa joie de vivre. Même lorsque par décret elle fut obligée de coudre sur ses vêtements une étoile jaune, elle l’arbora avec fierté, comme une décoration et avec le sourire, comme un pied de nez aux forces d’occupation. Chacun ne l’en admira que davantage. Les gens lui disaient de l’enlever, que nul parmi nous ne la dénoncerait, mais toujours elle refusa, préférant la porter par respect pour son peuple, sa religion, pour tous ces hommes et ces femmes qui étaient tombés durant les combats.
Même en ce jour funeste, où soldats et gendarmes de la ville voisine vinrent les arrêter, elle et sa famille, elle les accueillit avec le sourire. Et toujours aussi dignement, comme si elle partait en voyage, elle grimpa dans le wagon où s’entassaient déjà une cinquantaine de personnes. Le moteur de la locomotive résonna longtemps dans notre village. Notre soleil était parti, voilé par la noire fumée de la cheminée du train. Nul ne la revit plus jamais.
Myriel- Kaléïd'habitué
- Humeur : Girouette
Re: Le dernier train
Ta Nola pourrait être celle de mon texte. Si elle n'avait eu des frères et des sœurs, on aurait pu penser que c'était une suite.
La photo t'a inspirée un beau texte qui, malgré le thème, n'est pas sombre
La photo t'a inspirée un beau texte qui, malgré le thème, n'est pas sombre
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: Le dernier train
Décidément, pas mal de textes se raccrochent au génocide juif ! C'est curieux, sur cette consigne !
Ton texte est superbe,
Ton texte est superbe,
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Le dernier train
Bien que le sujet soit grave, ton texte rayonne vraiment! C'est un texte que je trouve plein de chaleur, de bonté. Bravo pour cela
Sherkane- Kaléïd'habitué
- Humeur : ....
Re: Le dernier train
Tu décris très bien l'optimisme indestructible et l'esprit positif qui anime certains êtres et qui leur permet de redonner courage aux autres. C'est d'autant plus triste lorsqu'en fin de compte ils sont anéantis par la bêtise et la cruauté.
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: Le dernier train
Décidément, ma photo rappelle de bien tristes et terribles moments de l'histoire.
Une très belle écriture, écrit avec sensibilité.
Une très belle écriture, écrit avec sensibilité.
trainmusical- Occupe le terrain
- Humeur : à vous de juger :-)
Re: Le dernier train
Encore une très belle histoire qui doit nous obliger à conserver notre mémoire collective si nous ne voulons pas connaitre à nouveau pareilles souffrances. Texte très bien écrit et qui montre que l'homme bon existe aussi.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
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