Lettre à moi-même
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catsoniou
Admin
Charlotte
Amanda.
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Lettre à moi-même
Il était temps, grand temps !
Plus moyen de traverser ce grenier bourré de vieilleries accumulées.
Allez, zou, on balance : la lampe de chevet cassée, les pots de peinture séchée, les clous, les cartons…
Ah non, pas celui-ci, il contient les vieux albums photos de mon enfance. J’y tiens !
Allez, zou, je cède à la tentation, je jette un coup d’œil, vite fait.
Oh, le mignon bébé tout nu sur une fourrure, c’est moi !
Oh, la petite fille avec sa jupette plissée, c’est moi !
Oh, et ça, c’est quoi ? Une vieille enveloppe soigneusement cachetée, avec dessus mon écriture, mon écriture d’avant…
« Lettre à moi-même »
J’ouvre….
Je viens de terminer de lire ce bouquin de Françoise Mallet-Joris, une femme –écrivain belge.
"Lettre à moi-même »
J'ai adoré !
Alors, un peu pour faire pareil et beaucoup parce que j’enrage, je m’écris…
Je m’écris pour que, quand je serai « grande », je relise ça un jour, que je n’oublie jamais les promesses que je me fais aujourd’hui.
« J’ai 15 ans et je ne veux pas mourir »
Celui-là aussi je l’ai lu, de Christine Arnothy, une jeune hongroise qui raconte sa vie de jeune fille lors du siège de Budapest en 1945.
Cette phrase aussi, je la fais mienne.
Moi aussi j’ai 15 ans et je ne veux pas mourir …d’ennui !
Je veux vivre, je veux aimer, je veux de la passion, de l’aventure, je veux rencontrer des gens et courir le monde.
Surtout pas les écouter eux, les adultes, les parents et ma teigne de grand-mère !
A l’expo internationale en 1958, j’étais petite, elle m’a fait croire que si je serrais la main d’un des Gardes du pavillon du Congo Belge, ma main resterait noire toute ma vie !
Eux, mes parents…
Le plan de vie qu’ils m’ont fait : « T’es polie, t’es sage, t’es bien propre sur toi, tu parles pas aux garçons, tu joues pas sur la rue, y a que des crapuleux qui font ça ! »
Moi, fille unique, j’y allais quand même mais qu’est-ce que je prenais après !
Le plan de vie : « Tu finis tes études secondaires, on te trouvera un brave garçon avec une bonne situation et tu feras de beaux enfants ! » Point final…
Papa, Maman, j’en veux pas de votre plan !
J’en veux pas de votre vie plan-plan !
Je ne veux pas apprendre la couture ou la cuisine comme toi, Maman, ni passer mes lundis à lessiver, mes mardis à repasser avec juste le dimanche après-midi un ciné !
Et puis je veux aimer un homme de toutes mes forces, comme Scarlett O’Hara, comme Michèle Morgan…
Un homme qui m’embrasse avec fougue, me serre à m’étouffer et me dise « T’as de beaux yeux, tu sais ! »
Pas comme vous deux : toi toujours à rouspéter parce que Papa, le seul plaisir qu’il a, c’est de jouer au jacquet le samedi soir au café avec ses copains. Oui, il boit quelques bières, mais sinon, hein ?
Il travaille le bois, dans la poussière de 6h du matin à 7h le soir tous les jours de la semaine !
Le dimanche matin, il fait « ses plans » et sa compta. Ah, oui, il peut même pas choisir le film au ciné après !
J’en ai marre, faut que je me tire, mais comment faire ?
Ma copine Nadine qui a 17 ans va partir un an aux Etats-Unis d’Amérique comme jeune fille au pair. Elle va apprendre l’Anglais et voir du pays !
Ce matin, je leur en ai parlé.
Maman a hurlé et Papa, du coup s’est fâché.
« De quoi je me plains, ils font tout pour moi, je suis une ingrate ! Et en Amérique ! Ce pays de sauvages ! Je ne suis qu’une folle, juste bonne à passer ses journées à lire des livres. C’est dans tes romans à la noix que tu pêches ces idées ? »
Alors, voilà, enfermée dans ma chambre, interdite de sortie, j’écris cette lettre.
Je jure de continuer à lire partout et de tout jusqu’à en devenir aveugle !
Je jure d’apprendre l’Anglais et d’y aller en Amérique !
Je jure de ne jamais me marier avec un gentil garçon qui a une belle situation !
Je jure de faire ma route, en toute liberté.
Je jure de serrer des mains noires, jaunes, celles des lépreux et des handicapés aussi.
Et si un jour, j’ai des enfants, je jure de ne jamais leur interdire de jouer dans la rue et avec qui ils veulent !
J’ai déposé ma lettre dans le carton.
Je me suis dit à moi-même, t’as bien gardé le cap…
Plus moyen de traverser ce grenier bourré de vieilleries accumulées.
Allez, zou, on balance : la lampe de chevet cassée, les pots de peinture séchée, les clous, les cartons…
Ah non, pas celui-ci, il contient les vieux albums photos de mon enfance. J’y tiens !
Allez, zou, je cède à la tentation, je jette un coup d’œil, vite fait.
Oh, le mignon bébé tout nu sur une fourrure, c’est moi !
Oh, la petite fille avec sa jupette plissée, c’est moi !
Oh, et ça, c’est quoi ? Une vieille enveloppe soigneusement cachetée, avec dessus mon écriture, mon écriture d’avant…
« Lettre à moi-même »
J’ouvre….
Je viens de terminer de lire ce bouquin de Françoise Mallet-Joris, une femme –écrivain belge.
"Lettre à moi-même »
J'ai adoré !
Alors, un peu pour faire pareil et beaucoup parce que j’enrage, je m’écris…
Je m’écris pour que, quand je serai « grande », je relise ça un jour, que je n’oublie jamais les promesses que je me fais aujourd’hui.
« J’ai 15 ans et je ne veux pas mourir »
Celui-là aussi je l’ai lu, de Christine Arnothy, une jeune hongroise qui raconte sa vie de jeune fille lors du siège de Budapest en 1945.
Cette phrase aussi, je la fais mienne.
Moi aussi j’ai 15 ans et je ne veux pas mourir …d’ennui !
Je veux vivre, je veux aimer, je veux de la passion, de l’aventure, je veux rencontrer des gens et courir le monde.
Surtout pas les écouter eux, les adultes, les parents et ma teigne de grand-mère !
A l’expo internationale en 1958, j’étais petite, elle m’a fait croire que si je serrais la main d’un des Gardes du pavillon du Congo Belge, ma main resterait noire toute ma vie !
Eux, mes parents…
Le plan de vie qu’ils m’ont fait : « T’es polie, t’es sage, t’es bien propre sur toi, tu parles pas aux garçons, tu joues pas sur la rue, y a que des crapuleux qui font ça ! »
Moi, fille unique, j’y allais quand même mais qu’est-ce que je prenais après !
Le plan de vie : « Tu finis tes études secondaires, on te trouvera un brave garçon avec une bonne situation et tu feras de beaux enfants ! » Point final…
Papa, Maman, j’en veux pas de votre plan !
J’en veux pas de votre vie plan-plan !
Je ne veux pas apprendre la couture ou la cuisine comme toi, Maman, ni passer mes lundis à lessiver, mes mardis à repasser avec juste le dimanche après-midi un ciné !
Et puis je veux aimer un homme de toutes mes forces, comme Scarlett O’Hara, comme Michèle Morgan…
Un homme qui m’embrasse avec fougue, me serre à m’étouffer et me dise « T’as de beaux yeux, tu sais ! »
Pas comme vous deux : toi toujours à rouspéter parce que Papa, le seul plaisir qu’il a, c’est de jouer au jacquet le samedi soir au café avec ses copains. Oui, il boit quelques bières, mais sinon, hein ?
Il travaille le bois, dans la poussière de 6h du matin à 7h le soir tous les jours de la semaine !
Le dimanche matin, il fait « ses plans » et sa compta. Ah, oui, il peut même pas choisir le film au ciné après !
J’en ai marre, faut que je me tire, mais comment faire ?
Ma copine Nadine qui a 17 ans va partir un an aux Etats-Unis d’Amérique comme jeune fille au pair. Elle va apprendre l’Anglais et voir du pays !
Ce matin, je leur en ai parlé.
Maman a hurlé et Papa, du coup s’est fâché.
« De quoi je me plains, ils font tout pour moi, je suis une ingrate ! Et en Amérique ! Ce pays de sauvages ! Je ne suis qu’une folle, juste bonne à passer ses journées à lire des livres. C’est dans tes romans à la noix que tu pêches ces idées ? »
Alors, voilà, enfermée dans ma chambre, interdite de sortie, j’écris cette lettre.
Je jure de continuer à lire partout et de tout jusqu’à en devenir aveugle !
Je jure d’apprendre l’Anglais et d’y aller en Amérique !
Je jure de ne jamais me marier avec un gentil garçon qui a une belle situation !
Je jure de faire ma route, en toute liberté.
Je jure de serrer des mains noires, jaunes, celles des lépreux et des handicapés aussi.
Et si un jour, j’ai des enfants, je jure de ne jamais leur interdire de jouer dans la rue et avec qui ils veulent !
J’ai déposé ma lettre dans le carton.
Je me suis dit à moi-même, t’as bien gardé le cap…
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Lettre à moi-même
Voilà une bonne révoltée qui a plein de bonnes idées d'évasion. Tu as raison: les voyages forment la jeunesse. Souvent ce sont les parents qui ne veulent pas couper le cordon. J'ai l'impression qu'il n'y avait pas de Tanguy ou beaucoup moins... de notre temps!Tout ce qu'on voulait nous, c'est quitter le nid et s'envoler loin des parents . Moi aussi je suis partie à 18 ans en Afrique. J'avais bien lu et relu "Tintin au Congo. Cela m'a donné des idées et à la différence de toi , mon père m'a encouragée.
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Lettre à moi-même
J'aime bien les 2 paragraphes distincts qui permettent au lecteur de comprendre d'où vient la lettre et j'aime beaucoup la fin, toutes ces promesses que la petite fille se fait à elle-même, promesses qu'elle n'a pas manqué de tenir, j'en suis sûre
Admin- Admin
- Humeur : Concentrée
Re: Lettre à moi-même
faire ma route, en toute liberté
Je crois que de ce point de vue, à partir de ce que je sais de toi, tu n'as pas dérogé de ce souhait et ma foi, tu t'es bien tirée : avec un caractère bien trempé ... et c'est comme ça qu'on t'aime !!!
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: Lettre à moi-même
Merci pour vos comm's
Cats m'aime ! Yess !!
Cats m'aime ! Yess !!
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Lettre à moi-même
Ta lettre est parfaitement amenée par le texte d'introduction et on suit l'itinéraire de tes réflexions au fil de sa rédaction jusqu'aux promesses faites à toi-même.
En lisant ton texte, je me pose une question: et si c'étaient les contraintes qui permettaient de se forger un caractère de battante ?
En lisant ton texte, je me pose une question: et si c'étaient les contraintes qui permettaient de se forger un caractère de battante ?
Nerwen- Modératrice
- Humeur : Légère
Re: Lettre à moi-même
Nerwen : poser la question c'est déjà y répondre...
Amanda.- Modératrice
- Humeur : résolument drôle
Re: Lettre à moi-même
Une ado enfermée dans un carcan "petit bourgeois" et qui étouffe. Qui a une envie folle de se libérer. Et surtout qui ne veut pas qu'on lui impose quoi que ce soit - dis-moi : en Belgique, dans les années 60 on imposait encore le futur mari ? - Voilà comment je perçois ton texte très enlevé et sincère.
Invité- Invité
Re: Lettre à moi-même
Je préfère la deuxième partie du texte.
Le début m'a semblé un peu trop « littéraire » pour une fille de 15 ans.
Sinon il y a un bon reflet de la bonne petite famille bourgeoise (belge) des années 50/60 !
Le début m'a semblé un peu trop « littéraire » pour une fille de 15 ans.
Sinon il y a un bon reflet de la bonne petite famille bourgeoise (belge) des années 50/60 !
AlainX- Kaléïd'habitué
- Humeur : stable
Re: Lettre à moi-même
Très beau et très attachant portrait d’une fille rebelle qui refuse l’avenir qu’on lui prépare. Le milieu familial médiocre et petit bourgeois est décrit avec une verve féroce. Le texte est haletant, on le lit d’une traite presque sans respirer tant on est happé par la fureur, la révolte et la rage de vivre de la narratrice.
Du point de vue de la consigne quelques remarque : le début avec la lettre à l’intention de la future adulte respecte tout à fait la consigne. Par contre la lettre elle –même ne m’a pas donné l’impression qu’on s’adressait à cette adulte ; j’ai plutôt vu ça comme une page de journal intime où la jeune fille de 15 ans affirme de façon très volontaire son projet de vie. Et 15 ans, il me semble qu’on est plutôt un adulte qu’un enfant.
Ces réserves toutes personnelles ( je vois que je suis le seul à chipoter de la sorte) n’empêchent pas le texte en lui-même d’être excellent.)
Du point de vue de la consigne quelques remarque : le début avec la lettre à l’intention de la future adulte respecte tout à fait la consigne. Par contre la lettre elle –même ne m’a pas donné l’impression qu’on s’adressait à cette adulte ; j’ai plutôt vu ça comme une page de journal intime où la jeune fille de 15 ans affirme de façon très volontaire son projet de vie. Et 15 ans, il me semble qu’on est plutôt un adulte qu’un enfant.
Ces réserves toutes personnelles ( je vois que je suis le seul à chipoter de la sorte) n’empêchent pas le texte en lui-même d’être excellent.)
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: Lettre à moi-même
C'était dur d'exister par soi même dans ces années 50-60. Il fallait obéir à l'autorité, qu'elle soit parentale, hiérarchique, administrative ou maritale. De quoi devenir rebelle sans concession. Mais je crois que ton carractère s'en est trouvé bien forgé et c'est très bien. Tu n'es peut être pas devenue l'adulte que tu aurais aimé être, mais pour le peu que je connaisse de toi, celle que tu es n'a rien à lui envier.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
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