A- Ne la laissez pas partir

Cher Monsieur René*

Isabelle a longtemps pleuré dans le dernier chapitre de votre livre, et j’ai pleuré avec elle. Pourtant je l’ai aimé votre livre, maman me l’a lu des dizaines de fois et quand j’ai été assez grande je l’ai lu toute seule.
J’aurais tellement voulu que mes jouets se mettent à chanter, danser et faire la ronde comme ceux d’Isabelle. C’est sans doute pour ça que j’ai aimé ce livre.
La nuit j’écoutais les bruits et me forçais à ne pas m’endormir. Je ne voulais pas rater la fée Morgane. Elle n’est jamais venue me voir, je n’étais pas Isabelle.

Plus tard j’écrirai des livres pour la bibliothèque rose, comme vous, j’ai même commencé une histoire avec des lutins et un petit poney qui part faire le tour du monde. Je vous mets le début dans l’enveloppe, vous me direz ce que vous en pensez.

Il y a quand même quelque chose qui me turlupine, et c’est pour ça que je vous écris. Vous êtes un grand monsieur, vous ne savez sans doute pas à quoi rêvent les petites filles de mon âge. C’est peut-être pour ça qu’à la fin de votre livre, vous séparez Isabelle et Morgane.
Alors je vous le dis, les petites filles n’aiment pas les histoires qui se finissent mal. Isabelle a été tellement malheureuse quand la fée Morgane est partie que je suis sûre qu’elle n’a jamais pu rejouer à la poupée. Je pense que vous pourriez changer la fin. Surtout qu’il n’y a que trois pages à changer, c’est pas beaucoup, ça ne vous fait pas trop de travail.

Si vous voulez mon avis, je pense que Merlin l’enchanteur n’a pas besoin de Morgane, il se débrouille très bien tout seul, alors vous pourriez faire que la fée ne parte que quelques jours et ensuite elle revient chez Isabelle et comme ça plus jamais elles ne se séparent. Isabelle ne pleure plus, Morgane est heureuse de retrouver son amie, et moi je peux relire encore et encore l’histoire sans avoir peur de pleurer à la fin.

S'il vous plait, ne la laissez pas partir, trois pages à réécrire, c’est pas beaucoup ! Vous en pensez quoi ?

*Isabelle et la fée par René Guillot