Le GOÛT de l'été

Pour moi, l’été est la saison par excellence qui exalte le sens du goût, à travers la variété incroyable des fruits arrivés à maturité. Car foin des spécimens palots et insipides qui arrivent hors saison, et qui comptent plus de kilomètres au compteur, que de véritable saveur… Je ne vous parlerai que des fruits « de saison » et, parmi ceux-ci, il y aura forcément des absents, car ils sont trop nombreux pour une seule chronique. Mon panier ne contiendra que les fruits qui ensoleillent mon été.

Cela commence, en juin, par l’arrivée des fraises. Elles ont des noms légers et charmants qui sont déjà une invite à la dégustation : chacune ayant ses caractéristiques gustatives. La Gariguette acidulée, la Ciflorette plus sucrée, la douce Charlotte en forme de cœur et, ma préférée, la Mara des bois qui rappelle sa discrète cousine sauvage, la fraise des bois.

Puis viennent les cerises qu’il faudra disputer aux merles.  « Quand nous chanterons le temps des cerises… », les bigarreaux seront de la fête, avec leur couleur variant du rouge brillant au carmin vif sur fond jaune pâle. Leur chair rouge ou blanche est ferme, juteuse et sucrée ou plus ou moins acidulée selon les variétés. Pour ceux qui aiment l’acidité, il faut parler de la griotte, de l’occitan agre, aigre, petite et très juteuse, elle agace les dents à qui la picore sans modération.

Juillet voit le retour des pêches, brugnons et nectarines, impérativement cueillis à maturité et issus de vergers du voisinage. Jaunes ou blancs, tout n’est qu’affaire de goût. Jaunes, les fruits sont généralement plus gros, sucrés et parfumés mais la chair est peu juteuses, alors que blancs, plus fragiles et savoureux, ils laissent perler un délicieux nectar… Une mention particulière aux pêches de vigne, ou sanguine, leur chair, aromatique, juteuse et fondante, est de couleur rouge “lie de vin”, striée de blanc. Pour la petite histoire, ces pêchers étaient plantés autrefois au cœur des vignobles. En effet, très sensibles à l'oïdium, et celui-ci s'attaquant aux pêchers en priorité, on traitait alors les vignes rapidement pour empêcher sa propagation.
Comme un plaisir ne vient jamais seul, voilà la présence sur nos étals des abricots gorgés de soleil. Sucrés ou acidulés, voire musqués, ils multiplient couleurs et saveurs. Leur coloration plus ou moins rouge n’étant pas un indicateur de maturité, mais seulement le signe de reconnaissance d’une variété. Sur mon préféré, le Rouge du Roussillon, cette coloration prend l'aspect de petites taches parsemées sur le fruit. On appelle cela le “blush”, peut-être en référence au maquillage léger qui rehausse le teint des belles…

Voici août ses prunes et ses poires. Les fruits ont emmagasiné tous les soleils de l’été et celui qui n’a jamais mordu à belles dents dans la chair fondante et juteuse, légèrement musquée d’une poire Williams Bon-Chrétien, en laissant le jus glisser délicatement sur son menton, s’est privé d’un véritable plaisir sensuel… D’autres ont un nom générique qui se passe de commentaire quant à l’onctuosité de leur chair : « beurré »…

Puis viendra l’automne et d’autres fruits savoureux mais ceci est une autre saison…

Pour les gourmands de mon espèce, il existe un merveilleux moyen de retrouver les goûts et les parfums de l’été. Pour cela il suffit de suivre le poète :

J'ai trempé mon doigt dans la confiture
Turelure
Ça sentait les abeilles
Ça sentait les groseilles
Ça sentait le soleil.
J'ai trempé mon doigt dans la confiture
Puis je l'ai sucé,
Comme on suce les joues de bonne grand-maman
Qui n'a plus mal aux dents
Et qui parle aux fées...
Puis je l'ai sucé
Sucé
Mais tellement sucé
Que je l'ai avalé !
(René de Obaldia)