A.Le pays de l’arc-en-ciel

C’est le soir qu’elle lui manque le plus. Comme il aimait les bruits de la maison, qu’il entendait de son lit en attendant qu’elle vienne lui dire Bonne nuit ! Des bruits doux et joyeux. Le tintement de la vaisselle maniée avec précaution, le raclement des chaises qu’on déplace. Et surtout les pas. Le pas un peu pesant de Papa, celui si léger de Maman. Son cœur battait plus fort chaque fois qu’elle approchait. Souvent ce n’était pas encore pour lui ; elle entrait dans le cabinet de toilette ou montait l’escalier. Mais elle ne l’oubliait jamais. C’était d’abord le souffle frais de la porte qu’elle poussait doucement et ensuite son souffle chaud à elle, son visage si beau penché sur lui, son parfum, ses lèvres sur sa joue « bonne nuit mon trésor ! » Tant d’émotion, tant de bonheur qu’il avait envie de pleurer. Maman mettait du soleil partout. Un jour, au jardin, un jour gris et triste, elle lui avait montré les petites fleurs pleines de couleurs, elle avait dit « « tu vois, une fleur ou un sourire, c’est comme un rayon de soleil. » Il ’avait enlevé les mauvaises herbes avec elle, pour aider les fleurs à pousser.

Une fois elle lui a montré l’arc-en-ciel, comme un grand sourire plein de fleurs au milieu de la pluie : « c’est un pays où tout est beau. »

La dernière fois qu’il a vu maman, c’est à l’hôpital, dans la chambre blanche. Cette fois c’est lui qui s’est penché vers elle, ça lui a fait drôle. C’est à peine s’il l’a reconnue. Sa figure était toute maigre et elle n’avait plus le même parfum, juste l’odeur désagréable de l’hôpital. Elle a souri mais c’était un sourire qui ne donnait pas beaucoup de soleil. Et pareil pour les fleurs dans les vases, des fleurs grandes avec de drôles de formes mais pas belles, pas belles comme les petites fleurs du jardin. Maman a dit « pense à moi quand tu verras les fleurs… l’arc-en-ciel »

Tatie n’aime pas les fleurs. Dans son jardin il n’y a que de l’herbe. Ça n’est pas joli. Tatie non plus n’est pas jolie. Le soir elle lui dit Bonne nuit avant qu’il se couche. Ça n’est pas pareil. Elle fait un baiser sur le front. Sa bouche n’est pas douce, elle est toute sèche.

Dans le jardin de Tatie, une fleur est sortie au milieu de la pelouse ! Une petite fleur toute jaune, comme celles de Maman, comme un sourire de Maman. Il a enlevé l’herbe tout autour pour l’aider à pousser. Tatie l’a puni.

Il a demandé à Papa quand elle reviendrait, Maman. Il a dit « je ne sais pas, elle est partie, très loin, heureusement qu’il y a Tatie. Elle est très gentille de te prendre chez elle. »

Il ne veut pas rester chez Tatie, il veut aller avec Maman. Il est sûr qu’elle est au pays de l’arc-en-ciel. Il passe des heures à regarder par la fenêtre.

L’arc-en-ciel est revenu !

Il est sorti, il court sous la pluie. Il court longtemps. Il ne voit plus l’arc-en-ciel. Il pleut encore plus fort, tout est sombre. Il a froid, il a mal, il tremble. Il tombe, il reste là, recroquevillé, bloc de douleur.

La chaleur l’envahit, il se sent bien.

Il est à l’hôpital, couché dans la chambre blanche, comme Maman avant qu’elle parte, il se dit qu’il va bientôt la rejoindre. Au fond de la pièce, papa et le docteur parlent à voix basse, tournés vers le mur. Ils doivent dire « Lui aussi, il sera bientôt au pays de l’arc-en-ciel… »


Texte écrit sur un forum dans le cadre d'un jeu d'écriture. Je ne me souviens pas de la consigne; si je la retrouve, je complèterai.

magnifique texte que tu nous donnes. c'est un cadeau du ciel. Non pas du ciel, naturellement, de toi ! il est plein de tendresse, plein d'amour de ce petit pour sa maman. On a presque envie de pleurer. non on a envie de pleurer. on a envie de le prendre dans nos bras ce petit bout de le serrer si fort. Et puis il y a la fin presque comme un soulagement. C'est ce que j'ai ressenti en lisant ce texte, un soulagement pour ce petit être si fragile et perdu sans sa maman. Quelque fois je me dis que perdre un enfant pour des parents c'est une chose insurmontable et que perdre un parent pour un enfant l'est tout autant. Le style d'écriture qui est le tien va bien avec le sujet. phrases courtes, bien ponctuées avec ce qu'il faut de complément sans surcharge de vocabulaire inutil et si parlant ! encore du beau Tober.

Je suis aussi tres émue par ce texte qui est tout simplement magnifique. Tu as une sensibilité " féminine " je trouve ( j'ai du déjà te le dire ) Comme si tu avais ressenti l'amour en tant que mère .
Je ne sais pas si tu as des enfants, mais une chose est sûre, sî tu as pu leur exprimer ton amour tel que tu le transmets dans certains de tes textes, ils ont reçu un trésor .

Sùr la fin, je pense ne pas l'avoir compris comme escandelia. Je crois que l'enfant imagine la conversation, il souhaite rejoindre sa maman ou qu'elle soit, y compris au paradis ( il ne peut y avoir qu'un paradis pour cette maman aimante) mais la vérité est tout autre . Il a simplement pris froid et devras repartir bientôt avec son papa et cette tatie qui ne doit pas avoir d'enfant elle et qui est peut être la nouvelle copine de son pere .

Je suis curieuse de savoir si tu as écrit la fin comme la voit Escandelia ou comme je la vois moi

Un très beau texte tout en douceur, écrit par touches imagées de tendresse. Des petits gestes, quelques mots qui comblent d'amour. Pour la fin, je rejoins l'interprétation d'Admin, le gamin imagine et se réfugie dans le rêve.

Tu vas nous faire pleurer Tober ! Moi, je préfère quand tu nous fais rire.
Je suppose que tu as dû coller à la consigne ?

Je pense que cet enfant est malheureux, c'est évident, non seulement parce qu'il a perdu sa maman mais aussi parce qu'il n'aime pas cette Tatie" aux lèvres sèches". Il regarde tellement par la fenêtre pour apercevoir l'arc en ciel  qu'il finit par se fondre avec lui dans le ciel aux belles couleurs irisées. Les enfants veulent mourir quand ils sont malheureux. Je me souviens...
Je trouve que tu as su t'exprimer comme un enfant mais cela ne me surprend pas. Tu en es un grand, non ?
J'aime le rythme donné à ton texte par ton écriture, au début doux comme "les bruits de la maison" puis lancinant, douloureux "pense à moi quand tu verras les fleurs" puis enfin haché comme les fleurs dont tatie se débarrasse sans doute en les arrachant.
Superbe !

Bah moi j'ose le dire, les larmes sont montées à mes yeux.
Elles y sont restées mais que de peu.

J'ai beaucoup aimé ce texte.
Il est très poétique.

Cette lueur d'espoir avec cette fleur qui pousse dans le jardin et qui finalement lui est enlevé '(
Et ce geste désespérer de retrouver ce que l'on a perdu.

Merci.

Merci pour ces commentaires. Voilà comment je vois la fin: l'enfant a pris froid, il a fait une pneumonie ou autre chose et le médecin sait qu'il va mourir et c'est de ça qu'il parle avec le père. En fait mourir et "aller au pays de l'arc-en-ciel, c'est pareil puisque c'est rejoindre la maman. Simplement, l'enfant ne sait pas ce qu'est la mort.

Maintenant, le lecteur peut parfaitement opter pour une autre interprétation.

je suis très attaché à l'enfance et j'aime beaucoup écrire des histoires à hauteur d'enfant, malgré toutes les difficultés que ça présente.

Précision : le sujet de ce jeu d'écriture, c'était "Le pays où l'on n'arrive jamais" (repris du titre du merveilleux roman d'André Dhôtel)