Plus près du ciel

Si mes yeux brillent  c’est pour ça.
Pour cette histoire qu'elle me raconte au rythme de mes pas, au détour d'un bois. Elle me dit que rien ne sert de se presser, qu'il faut des milliers d’années pour façonner la terre et la rendre plus belle. L'homme n'a rien à voir avec tout ça. Simple spectateur, humble et privilégié, il lui faudra de la patience, de longues marches, de la souffrance souvent, et la capacité de s'émerveiller pour se laisser pénétrer par ce sentiment de liberté. Il se savoure en silence parce qu'aucun mot ne traduit l'émotion qui explose à l'intérieur d'un corps fatigué et encore étonné d'être arrivé jusque-là.

Si mes yeux brillent, c'est pour une montagne, mais pas n'importe laquelle. Elle a tant à offrir qu’elle se conjugue au pluriel. Elle est Orientale et flirte avec la méditerranée, elle est Haute, protégée par le pic du midi, mais celle que je préfère, la mienne, celle qui m'a ouvert les bras il y a sept ans,  c'est l’Atlantique. Elle trempe un pied dans l'océan et dessine ses courbes généreuses du Pays Basque au Béarn, flirtant avec l'Espagne.

De Pau, par temps clair, elle s'accroche à l'horizon, si proche qu'on croirait la toucher simplement en étendant le bras. Mais ici on sait bien que la montagne se mérite. On peut bien sûr se contenter de son Piémont, ou monter en voiture jusqu'à ses cols et certains de ses lacs. C'est déjà un enchantement, c'est déjà le bonheur. Mais la comprendre, l'apprivoiser c'est se donner la peine d'emprunter ses sentiers qui grimpent jusqu'à ses joyaux cachés.  Plus le chemin est dur et plus la récompense est belle.

Du boulevard des Pyrénées l'œil est attiré par ce pic majestueux, l’Ossau est comme une sirène, dont le chant vous enchaîne et vous entraîne. On pourrait presque s'y perdre, on rêve de s'y perdre parfois. Lorsque d'un sommet je regarde la vallée, lorsque le brouillard se déchire et laisse apparaître  ces alpages, ces vallons, ces cabanes de berger, là où l’on ne monte qu’à pied et à la sueur de son front, je voudrais m’asseoir, ôter mes chaussures, marcher dans l'eau fraîche d'un ruisseau, rester là et ne plus jamais redescendre.

Lorsque les pieds meurtris, le souffle court et la motivation en berne, j’arrive enfin au but final. Lorsque je découvre au détour d'un dernier virage, après un dernier effort, accroché au dernier bout de rocher, un lac d’altitude, je sais que je suis exactement à la bonne place. Je n'ai plus peur. Je n'ai plus mal. Je ne veux pas penser à après, ce que je souhaite c'est m’enraciner à cet endroit précis et arrêter le temps.

J'ai deux amours, ma terre natale et les Pyrénées. Cette montagne qui ne m'a pas vu naître, je l'aime tant qu'elle n'a d'autre choix que de m'aimer aussi. C'est pour ça que mes yeux brillent.