Selfie
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Escandélia
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tobermory
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Selfie
Cher J. junior
Cher, oui, si tu savais comme tu m’es cher, Quand je suis malheureux, que je me sens blasé, las de l’absurdité de la vie, c’est vers toi que je reviens. Toi et ta capacité d’émerveillement devant les choses les plus simples. L’enfance, printemps de l’âme, où tout n’est qu’éclosion, où toute chose est première. Première fleur, premier nuage, premier rayon de soleil premier chant d’oiseau, premier sourire de fille. Tu es tapi au fond de moi, pas bien loin. Tous deux cernés par le néant, celui dont tu viens et celui vers lequel je vais. Est-ce parce que ta naissance, miraculeuse et improbable est encore si proche que tout t’étonne et t’émerveille ? Quand même tu n’aurais été qu’un caillou, une molécule de gaz, un photon, un électron, un presque rien, c’était déjà prodigieux, dans ce monde où le vide est la règle et l’existence l’exception. Mais vivant, conscient, homme, incroyable ! Sorti du néant, mais des racines partout : tes parents, ta maison, la terre du jardin, les nuages familiers, le soleil et la pluie comme des mains tendues du ciel.
Tu es une pâte tout juste levée, pétrie d’émerveillement, mais tu connais aussi la terreur de celui qui a pris goût à la vie et qui se sait mortel. Le jour, tu tiens la mort à distance, elle parait si lointaine, mais la nuit parfois le temps semble se contracter, les années se télescopent en heures et les heures en secondes et te voilà dans la panique du dernier soupir.
L’avenir est le terrain des dangers. Quand j’ai besoin de me rassurer, je reviens vers toi. Comme tout est grand quand on débarque dans la vie ; la maison, le jardin, un bout de cour, sont des univers immenses. Et puis au fil des ans, tout rétrécit, lavé et délavé, lessivé par la vie. Dans le jardin secret de l’enfance, les fleurs sont toujours fraîches et les émotions vivaces.
Il reste toujours quelque chose de l'enfance, toujours. Bravo Margot pour le truisme ! Ce qui serait bien étonnant, c’est qu’il n’en reste rien. Certains de mes plus beaux souvenirs sont ceux marqués de ta confiance dans la vie, comme ce premier jour d’école, ton impatience pour cette page qui allait se tourner, ta joie t’apprendre autant que celle de te mêler au tourbillon de couleurs et de cris de la récréation.
Aujourd’hui, je regarde cette photo étrange sur laquelle tu me regardes. Oui, tu me regardes : mon père vous demande de vous grouper devant la maison pour vous photographier, tes sœurs, toi-même et les petits voisins avec qui vous étiez en train de jouer. Et toi, tu es allé dans le bureau de ton père et dans sa corbeille, tu as pris un papier au hasard. Sur la photo, tu tiens la feuille de papier à la main, sans l’exhiber, mais bien visible quand même. Je sais ce que tu as pensé : ce papier serait un lien entre toi qu’on photographiait maintenant et toi plus tard qui regarderait la photo. Une interrogation et un vertige devant le mystère du temps, peut-être une naïve tentative pour l’arrêter.
Donc aujourd’hui nous nous regardons. Qu’est-ce que tu dis ? Que je suis un vieux radoteur – pour toi, à vingt ans on est vieux, à quarante, on est hors-d’âge. Un has been, oui et quoi encore ? Entre nous, tu ne crois pas que tu es un peu vieux-jeu mon petit père avec ton pistolet Eurèka et ta toupie à fouetter, et qui n’a jamais entendu parler d’ordi, de portable ou de CD ? Moi qui voulais t’envoyer un selfie. Ah c’est vrai, tu ne sais pas ce que c’est non plus. Alors là, excuse-moi, mais je te trouve carrément ringard !
Cher, oui, si tu savais comme tu m’es cher, Quand je suis malheureux, que je me sens blasé, las de l’absurdité de la vie, c’est vers toi que je reviens. Toi et ta capacité d’émerveillement devant les choses les plus simples. L’enfance, printemps de l’âme, où tout n’est qu’éclosion, où toute chose est première. Première fleur, premier nuage, premier rayon de soleil premier chant d’oiseau, premier sourire de fille. Tu es tapi au fond de moi, pas bien loin. Tous deux cernés par le néant, celui dont tu viens et celui vers lequel je vais. Est-ce parce que ta naissance, miraculeuse et improbable est encore si proche que tout t’étonne et t’émerveille ? Quand même tu n’aurais été qu’un caillou, une molécule de gaz, un photon, un électron, un presque rien, c’était déjà prodigieux, dans ce monde où le vide est la règle et l’existence l’exception. Mais vivant, conscient, homme, incroyable ! Sorti du néant, mais des racines partout : tes parents, ta maison, la terre du jardin, les nuages familiers, le soleil et la pluie comme des mains tendues du ciel.
Tu es une pâte tout juste levée, pétrie d’émerveillement, mais tu connais aussi la terreur de celui qui a pris goût à la vie et qui se sait mortel. Le jour, tu tiens la mort à distance, elle parait si lointaine, mais la nuit parfois le temps semble se contracter, les années se télescopent en heures et les heures en secondes et te voilà dans la panique du dernier soupir.
L’avenir est le terrain des dangers. Quand j’ai besoin de me rassurer, je reviens vers toi. Comme tout est grand quand on débarque dans la vie ; la maison, le jardin, un bout de cour, sont des univers immenses. Et puis au fil des ans, tout rétrécit, lavé et délavé, lessivé par la vie. Dans le jardin secret de l’enfance, les fleurs sont toujours fraîches et les émotions vivaces.
Il reste toujours quelque chose de l'enfance, toujours. Bravo Margot pour le truisme ! Ce qui serait bien étonnant, c’est qu’il n’en reste rien. Certains de mes plus beaux souvenirs sont ceux marqués de ta confiance dans la vie, comme ce premier jour d’école, ton impatience pour cette page qui allait se tourner, ta joie t’apprendre autant que celle de te mêler au tourbillon de couleurs et de cris de la récréation.
Aujourd’hui, je regarde cette photo étrange sur laquelle tu me regardes. Oui, tu me regardes : mon père vous demande de vous grouper devant la maison pour vous photographier, tes sœurs, toi-même et les petits voisins avec qui vous étiez en train de jouer. Et toi, tu es allé dans le bureau de ton père et dans sa corbeille, tu as pris un papier au hasard. Sur la photo, tu tiens la feuille de papier à la main, sans l’exhiber, mais bien visible quand même. Je sais ce que tu as pensé : ce papier serait un lien entre toi qu’on photographiait maintenant et toi plus tard qui regarderait la photo. Une interrogation et un vertige devant le mystère du temps, peut-être une naïve tentative pour l’arrêter.
Donc aujourd’hui nous nous regardons. Qu’est-ce que tu dis ? Que je suis un vieux radoteur – pour toi, à vingt ans on est vieux, à quarante, on est hors-d’âge. Un has been, oui et quoi encore ? Entre nous, tu ne crois pas que tu es un peu vieux-jeu mon petit père avec ton pistolet Eurèka et ta toupie à fouetter, et qui n’a jamais entendu parler d’ordi, de portable ou de CD ? Moi qui voulais t’envoyer un selfie. Ah c’est vrai, tu ne sais pas ce que c’est non plus. Alors là, excuse-moi, mais je te trouve carrément ringard !
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: Selfie
Tes pensées vont trop vite pour moi. J'ai adoré la première partie de ton texte, plein de poésie, avec ses phrases si parlante. Rien que pour le plaisir, par exemple celle ci : " L’enfance, printemps de l’âme, où tout n’est qu’éclosion, où toute chose est première." ou bien celle là : "Mais vivant, conscient, homme, incroyable ! Sorti du néant, mais des racines partout : tes parents, ta maison, la terre du jardin, les nuages familiers, le soleil et la pluie comme des mains tendues du ciel."
Et puis tout devient sombre et je me perds dans un autre texte où je ne situe pas très bien qui est qui. J'ai un peu moins aimé la seconde partie de ton texte. Ceci dit ta plume est toujours remarquable d'agilité.
Et puis tout devient sombre et je me perds dans un autre texte où je ne situe pas très bien qui est qui. J'ai un peu moins aimé la seconde partie de ton texte. Ceci dit ta plume est toujours remarquable d'agilité.
Escandélia- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Selfie
Aujourd’hui, je regarde cette photo étrange sur laquelle tu me regardes.
Se reconnait-on sur ces instantanés ? Pas forcément, s'il n'y a pas quelque référence ou le souvenir de cet instant précis... Et on est effaré du changement apporté par les années : sur nos visages, mais aussi sur ce qui nous entoure tant la société a évolué : ce qui est banal pour les enfants d'aujourd'hui nous eut émerveillé alors. Ne fabrique-ton pas des générations de blasés ?
Dernière minute : grace à tobermory, mon vocabulaire vient de s'enrichir d'un nouveau mot : selfie ...
catsoniou- Kaléïd'habitué
- Humeur : couci - couça
Re: Selfie
Je le trouve très tendre ton texte Tober et c'est bien vrai que ta naissance fut un miracle...
Mais je n'ai pas bien compris l'histoire du papier que tu tiens sur la photo et qui fait le lien entre l'enfant et l'adulte ?
Mais je n'ai pas bien compris l'histoire du papier que tu tiens sur la photo et qui fait le lien entre l'enfant et l'adulte ?
Invité- Invité
Re: Selfie
J'aime beaucoup ton texte, et cette phrase en particulier :
Et puis la fin est originale. On dirait un d'jeun qui parle à un "vieux", alors que c'est tout le contraire
Joli pied de nez !
Dans le jardin secret de l’enfance, les fleurs sont toujours fraîches et les émotions vivaces.
Et puis la fin est originale. On dirait un d'jeun qui parle à un "vieux", alors que c'est tout le contraire
Joli pied de nez !
silhène- Kaléïd'habitué
- Humeur : la meilleure possible....
Re: Selfie
Merci pour vos commentaires.
Escandèlia et Yvanne : je comprends que certaines considérations soient déroutantes, en particulier l'épisode du papier.La photo existe bel et bien, ainsi que le souvenir de ce moment, mais il n'est pas facile d'expliciter ce qui m'était passé par la tête : une sorte de clin d’œil entre moi photographié et moi quelques temps plus tard qui regarderait la photo. Donc de moi à moi à travers une période de temps ( mais sans doute pas quelques dizaines d'années.)
Comme quoi j'avais déjà l'esprit tordu !
Fin du quart d'heure nombriliste.
Catsoniou : il n'y a pas très longtemps que je connais ce terme de franglais et la chose à laquelle il correspond, très en vogue actuellement hez les ados.
Silhène : c'est exactement ça, histoire de terminer sur une note de dérision et de paradoxe
Escandèlia et Yvanne : je comprends que certaines considérations soient déroutantes, en particulier l'épisode du papier.La photo existe bel et bien, ainsi que le souvenir de ce moment, mais il n'est pas facile d'expliciter ce qui m'était passé par la tête : une sorte de clin d’œil entre moi photographié et moi quelques temps plus tard qui regarderait la photo. Donc de moi à moi à travers une période de temps ( mais sans doute pas quelques dizaines d'années.)
Comme quoi j'avais déjà l'esprit tordu !
Fin du quart d'heure nombriliste.
Catsoniou : il n'y a pas très longtemps que je connais ce terme de franglais et la chose à laquelle il correspond, très en vogue actuellement hez les ados.
Silhène : c'est exactement ça, histoire de terminer sur une note de dérision et de paradoxe
tobermory- Kaléïd'habitué
- Humeur : Changeante
Re: Selfie
J'adore ce petit garçon, je comprends ta complicité avec lui. C'est un soleil que cet enfant là.
Charlotte- Kaléïd'habitué
- Humeur : joyeuse
Re: Selfie
Comme d'autres, j'ai particulièrement apprécié la première partie de ton texte, très poétique.
L'ensemble de ta lettre est très réussi, j'aime bien l'introduction du terme "selfie".
L'ensemble de ta lettre est très réussi, j'aime bien l'introduction du terme "selfie".
Sel.- Kaléïd'habitué
- Humeur : Entre bleu clair et bleu foncé
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